Kergoat lieu de recherche et de création

Ouvrir au nord

06 août 2014

I. Les bâtiments de France

Kergoat n'est pas un site classé, mais situé dans une commune du Parc National d'Armorique, qui en tant que telle dépend des Bâtiments de France pour toute construction ou réhabilitation. Afin de m'éviter un travail inutile par un refus, aboutissant à une perte de temps, j'ai pris deux rendez-vous, l'un avec la DDTE (nouvelle dénomination de l'ancienne DDE) et l'autre avec l'architecte des Bâtiments de France. Bien m'en pris, car ces visites furent utiles et enrichissantes. Je recommande à tout auitoconstructeur d'envisager une telle visite préalable à son projet, ou du moins, à sa mise en forme définitive, afin de s'éviter de faux espoirs et gagner du temps. Il convient de pratiquer un art de souplesse, une sorte de judo maçonnique, et ne jamais se crisper, car le pouvoir décisionnaire n'appartient jamais au requérant. Dans la mesure où mon projet concernait une rénovation à l'identique et non un permis de construire, la DDTE s'en est remis pour l'essentiel à l'architecte. Et ma visite auprès de lui fut pour le moins instructive… De mon projet initial, que je lui montrais sous forme d'esquisses numériques, il n'est pas resté grand chose. Son refus catégorique a concerné la modification des ouvertures de la façade principale, située au sud, toutes devant être conservées à l'identique. En contrepartie, les ouvertures seraient zénithales. et l'autorisation me fut accordé d'ouvrir au nord. Ici une remarque s'impose pour les tenants du bioclimatisme et de la maison passive, il est connu que l'on n'ouvre pas au nord. Je tenais pourtant à ces ouvertures pour des raisons esthétiques, la vue vers le lointain constituant une des raisons majeures de mon acquisition. J'avais envisagé une ouverture de baie dans la maison, dans un souci de symétrie, qui caractérise la maison, l'architecte, grand prince, préconise deux ouvertures, eh bien soit ! La visite terminée, je faisais le bilan, plutôt positif. Certes, j'avais un lot de contraintes au chaud pour l'hiver, et des dépenses supérieures, d'un autre côté, le nouveau dessin serait indéniablement plus beau.

Percemznt dz la façade Nord — octobre 2013

2. Le percement d'une façade

Après la démolition, ces ouvertures furent donc le premier gros chantier avec l'intervention d'un tailleur de pierres car il n'était pas question de me lancer seul dans ce sport de l'extrême. Percer des murs anciens maçonnés à la terre commence en douceur, et devient rapidement dangereux, l'éboulement faisant partie du programme. Je déconseille à quiconque de se lancer dans cette pratique s'il ne possède aucune expérience. Et même, toute expérience en la matière ne met personne tout à fait à l'abri. Longtemps, tout semble aller pour le mieux, et soudain, sans prévenir, quelques centaines de kilos de pierres très promptes à obéir aux lois de la gravité rejoignent le sol par le chemin le plus court. Dans de tels instants, il est vivement recommandé de ne rien laisser traîner de soi dans les parages. C'est pourquoi, le barre à mine tenue à distance est la meilleure assurance-vie, et paradoxe pour ce rude labeur, la délicatesse est de mise. Sans cesse, on teste, on jauge la pierre suspendue, la terre prête à la chute. On tend l'oreille car le moindre effritement peut annoncer une plus lourde artillerie qui déboule sans préavis dans le désordre. La technique utilisée par Ronan a consisté à ouvrir un flanc, sur une faible largeur, un passage d'homme, puis à maçonner le premier pilier, renforçant ainsi la solidité. La même opération est répétée sur le second côté, ensuite il faut étayer. L'étayage est la clef de tout percement. Au-dessus de la hauteur souhaitée, on perce une ouverture pour le passage d'une poutre en bois qui sera soutenue par deux étais, pas trop distants entre eux, ce qui affaiblit la portance, mais assez pour que les manœuvres restent possibles. Enfin, on " affale " les pierres entre les deux ouvertures, l'étayage servant à contenir le reste de la maison, au-dessus. Ensuite, le placement des linteaux est un morceau de bravoure, car entre les échafaudages et les étais, les passages et les marges sont étroits. Immédiatement, la maçonnerie au-dessus des linteaux vient finaliser le travail et offrir une respiration sereine.

3. Ouvrir et fermer

Outre les deux ouvertures de la façade, le percement de la cheminée, afin de créer un passage entre cuisine et séjour, fut un sérieux défi. Le carré d'une cheminée porte tout le pignon avec lui, aussi l'erreur n'est pas permise. L'épaisseur du mur de quatre-vingt-centimètres, la poussière spéciale d'une cheminée, de suite et de terre mêlées, pour ce travail effectué en hiver, le pittoresque fut au programme. À peine l'ouverture terminée, je m'empressais de la fermer car je réside dans la future cuisine, qui est aussi l'unique partie habitable de la maison où je réside.

4. Ébrasements et linteaux

La dernière intervention de Ronan a été le premier ébrasement d'une fenêtre existante et le remplacement de linteaux pourris. D'emblée, cette option un peu luxueuse, m'a plu. L'ébrasement est une ouverture du mur intérieur en biseau, offrant une meilleure pénétration de la lumière, et dont la conséquence esthétique est de diminuer l'impression d'épaisseur des murs.

Durant plusieurs mois, mon travail consistait à déblayer les matériaux, pierres et terre qui sont récupérés, à déplacer les crochets et lancis, mais j'ai aussi observé et beaucoup appris. C'est ainsi que je décidais, non sans appréhension, de mener la suite des opérations seul. Est-il raisonnable de s'improviser tailleur de pierres à mon âge ? Outre les économies substantielles, nécessaires, apprendre et me confronter à diverses tâches et apprentissages est un grand plaisir de ce projet.

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